Entries from avril 2022 ↓

Présidentielle 2022, un vain refus massif du système

Le premier tour est passé, avec son rouleau compresseur médiatique réglé pour fausser la perception des choses : non, Macron n’a pas fait 28% des voix, il en a fait récolté 19,1% des voix de ceux qui ont le droit de vote en France, ce qui inclus les nombreux non-inscrits en plus des abstentionnistes, blanc et nuls.
Et Le Pen n’a pas dépassé les 23%, elle est à moins de 16%.

Leurs chiffres, martelés à longueur d’émissions et sans vergogne, est uniquement celui des « exprimés » ce qui, implicitement, et c’est là où c’est grave, invisibilise et méprise les électeurs ayant refusé de participer à ce scrutin et d’aller valider aucune candidature (abstention, blanc ou nuls).

Et ce alors même qu’ils sont les plus nombreux !
13,6 M d’inscrits ont refusé d’entrer dans le cirque.
Si on y ajoute les non-inscrits qui représentent entre 3 et 4 millions d’individus (4 fois la ville de Marseille quand même…), cela fait un total tournant autour des 17 millions de refus.

Les vrais « rapports de force » sont donc très différents de ce qu’on nous présente :

Face à ces 17 millions de «réfractaires», les tenants du système, c’est-à-dire les candidats sortis des partis ne remettant pas en cause le fonctionnement économico-politique de nos sociétés (LREM, LR, EELV, PS, Modem) totalisent eux 14,3 millions d’électeurs, quand les « contestaires » (LFI, RN, DLF, R!) cumulent plus de 20,4 millions de votes.

17 M qui chient dans les urnes, 20M qui votent extrême, et donc 14M de conservateurs.

Et ce sont les moins nombreux, les 14M de conservateurs, qui vont une fois de plus rafler la mise, le système étant taillé pour eux.

37 millions de français.es, soit 72% des individus remplissant les critères pour être électeurs, refusent donc de valider ce système.

contre 14,3 M, les 28% restant.

Mais ce sont ces derniers qui vont faire les lois et les imposer à coup de flach ball aux trois-quart restant de la population.
Démocratie.
Poil au zizi.

 

 

Et force est de constater que cette population de français fâchés avec les élections a juste droit aux injures, injonctions et jugements pseudo moraux des analystes patentés de la vie politique française.

Non, ceux qui refusent le vote ne sont pas une masse indistincte de gens « inciviques », non ces réfractaires n’ont pas à obéir à la vindicte de médias et de personnels politiques qui les accusent de porter tort à la démocratie , car la démocratie ce n’est pas un pays gouverné par une majorité absolue au parlement alors qu’elle n’a fait que 12,5% dans les urnes comme cela a été le cas pour LREM durant cette mandature.

Non, nos ancien.nes ne se sont pas battu.es pour une telle parodie démocratique, en tout cas en dehors des gaullistes qui ont en effet validé un système politique qui a permis pendant près de 70 ans maintenant de tricher avec la représentation élective, le format du Sénat donnant un poids surdimensionné aux électeurs ruraux considéré par le pouvoir gaulliste comme plus sains car très conservateurs (29% de la population, mais 50% des élus au Sénat, un électeur rural valant donc 1,6 électeurs urbains, c’est la constitution du militaro-démocrate de Gaulle qui l’impose).

Un véritable outil pour empêcher que les idées « progressistes », sensées caractériser les populations citadines, celles des ouvrièr.es et des exploitées en tout genre donc ouvertes à des visions du monde très différentes de celles de ceux qui profitent du système en place. Avec notamment une exigence de redistribution des richesses allégrement accaparées, et généralement sans mérite, par une caste de privilégié.es et de nanti.es.

Ces « démocrates » ont donc bel et bien adapté la « démocratie représentative » à leurs intérêts privés directs, une manœuvre directement issue de la lutte des classes, l’intérêt particulier de ceux qui possèdent (même s’ils n’ont pas eu besoin de bosser pour ça) contre celui de tous les autres.

Mais à part ça notre démocratie fonctionne parfaitement visiblement puisque nos dirigeants perpétuent et vante ce système face aux méchants réfractaires du bulletin…

 

Marek Bk

 

A la volée, à la volette

ENTENDU sur Beur FM, une pub de Leclerc pour une promo sur le jambon.
Pas sûr que ce soit le meilleur endroit pour se chercher des clients pour ce type de produit…

VU, un autocollant identitaire vu dans Valence, pour une « remigration ». On aura l’occasion de parler de cet argument typiquement fanstamagorique des « idées » d’extrême-droite qui consiste à croire qu’il est possible de virer des millions de non-ressortissants français vivants sur notre sol d’un claquement de doigt et sans conséquences.
Non, ce qui est marrant c’est que pour illustrer le renvoi des exilés ils se sont servis du dessin d’un… Concorde !
Le Concorde, c’est cette « merveille technologique issue du génie français », comme le « Minitel », le Rafale ou encore les centrales nucléaires, c’est-à-dire des inventions hors sol qui ne trouvent/trouvaient pas de débouché commerciaux viable hormis les commandes forcées de l’état.
Des inventions « de génie » qui n’ont dû leur existence qu’à la générosité involontaire des contribuables à qui ont a entonné la Marseillaise pour leur (nous) faire les poches.
Le fameux « Génie Français ».
Le nationalisme, ça permet de faire de beaux pigeons.
De beaux cadavres aussi, en tant de guerre.

VU à la télé : pour une fois, la pub ne ment pas : dans les spots pour vanter les mérites d’Uber Eat on ne voit comme coursiers que des arabes et des noirs.
A moins que ce ne soit un complot des merdias pour faire croire que ce sont ces fainéants de bougnoules qui bossent alors que ce sont de bons petits blancs bien proprets qui pédalent comme des fous toute la journée des heures durant en risquant l’accident en permanence, quelque soir le temps, sous la pluie, le cagnard ou dans un froid glacial, tout ça pour un taux horaire misérable.
Et pendant ce temps, la saloperie immigré se fait livrer sa bouffe pendant qu’elle joue à la playstation sur un écran géant acheté avec l’allocation de rentrée scolaire !
Non mais.

JEU A LA CON : l’été dernier, avec ma compagne, on a testé le jeu du « beauf o’ volant ».
Je m’explique : on est dans une région de tourisme et de transit, on a donc l’occasion de fréquemment croiser des voitures venant de tous les coins de France.
Aussi, histoire d’expérimenter la mentalité du connard de base, avec ma femme on a décidé de passer le temps en pourrissant tous les « estrangers », ceux qui n’ont pas le 26 « sacré » au cul.
10 minutes de pur bonheur désintellectualisé, le temps d’une bulle bête et méchante, de vrais lepénistes de base, puisque le principe de base c’est de pas se servir de son cerveau (sinon comment insulter des gens qui ne vous ont rien fait?) et de déverser un flot d’insanité et de xénophobie sans distinction et sans raison.
C’est incroyable en fait de constater comme il est simple d’être nationaliste, raciste et facho.
Suffit d’être con.

Mélenchon est apparu souriant, heureux, rigolard et poète lors de la soirée électorale de premier tour.
Pour lui, c’est la retraite, et visiblement il en était ravi !
Soulagé sans doute de ne plus avoir à monter dans l’arène, de cesser enfin de se mettre en première ligne, de violenter et d’être violenté.
Bref, Méluch’ est désormais un homme heureux, il a terminé sa carrière politique, et ça se voyait.
Vive la retraite !

 

Marek BK

Ni Macrine ni Maron, révolution !

Le second tour de la présidentielle approchant, on voit les divers courants politiques, syndicaux et associatifs nous servir un remake de celui de 2002, où Chirac affrontait Le Pen père, et celui de 2017, où Macron rencontrait déjà Le Pen fille. Seulement nous ne sommes plus face au « séisme » de 2002, où personne ne craignait vraiment la qualification de l’extrême droite mais où les défenseurs de la « démocratie » l’agitaient comme un épouvantail sous nos nez pour nous faire courir aux urnes. Nous ne sommes plus non plus en 2017, où Emmanuel Macron pouvait se prétendre l’accoucheur d’un nouveau monde 3.0, alors que Marine Le Pen restait par trop engluée dans l’héritage sécuritaire et identitaire du Front national. La seconde a aujourd’hui repris à son compte un certain nombre de revendications portées par des gilets jaunes pour engluer dans un discours plus social les perdreaux de la lutte des classes. Et le premier nous a servi son projet politique et « social » : un ruissellement du bas vers le haut, soit l’intensification de l’exploitation du travail, l’exonération de toute redistribution pour les bénéficiaires des revenus du capital, une accentuation du contrôle social par des moyens sanitaires ou militaires, et l’affirmation – tantôt avec sa morgue habituelle, tantôt avec la feinte humilité d’un serviteur du bien commun – de tout et son contraire, selon les circonstances…

A la vérité, les discours d’En marche et du Rassemblement national se sont rapprochés, et le quinquennat macronien a contribué à rendre moins inquiétante la perspective d’un quinquennat lepénien : quand s’installe une fascisation des pratiques et des pensées, le fascisme n’est plus un épouvantail très efficace. D’où la crainte qu’ont certains de voir la mégère soudain déguisée en douce bergère l’emporter cette fois sur le bellâtre moderniste qui s’est avéré un vrai père tape-dur. Invoquer les « valeurs morales » d’un « patrimoine humaniste rempart contre le fascisme » ne peut suffire à faire oublier la gestion de la société par Macron à qui l’a subie au quotidien. En revanche, le « vote utile » fait en sa faveur par une partie de l’électorat des Républicains et du PS, et dans une moindre mesure des écologistes, montre que cette gestion satisfait une fraction de la population – celle qui en tire avantage : les boutiquiers, rentiers, managers, banquiers, DRH, entrepreneurs de start-up, technocrates de la croissance et de l’environnement, fonctionnaires installés et retraités privilégiés. Et c’est grâce à ce vote opportuniste de partisans de la gauche et de la droite réunis au centre que Macron est de nouveau au second tour, car l’ensemble doit bien représenter 10 % des suffrages qu’il a obtenus. Le résultat du premier tour ne traduit donc pas tant une opinion ou un choix politique que la défense de leurs intérêts matériels par tous ceux et celles qui auraient eu quelque chose à perdre avec un duel Mélenchon-Le Pen.

L’impulsion de ce prétendu « ni gauche ni droite, mais en même temps l’une et l’autre » a été donnée dès avant 2017 : sous Hollande, la social-démocratie était déjà la seconde main droite de la bourgeoisie. Et ce « ni gauche ni droite, mais en même temps l’une et l’autre » a également permis de crédibiliser un RN dont le « ni de droite ni de gauche, mais du peuple ou de la nation » ne faisait jusque-là pas massivement illusion. Avec ce second show Macron-Le Pen, on réentend les cris d’orfraie poussés par certains « démocrates (1) » ou « radicaux (2) » face à la « menace fasciste ». Il est fort peu probable que Le Pen gagne, mais l’inconstance de l’électorat futile peut réserver des surprises – nombre de participant-e-s aux précédents « votes de barrage » ont juré qu’on ne les y prendrait plus, hein, et l’idée qu’« en votant Marine ça pétera enfin » est émise ici ou là… Pour autant, qu’est-ce qui pourrait bien pousser les révolutionnaires à prendre position dans ce vaudeville bourgeois ? Si Macron sert la modernisation de l’exploitation dont le capital transnational a besoin, et si Le Pen est historiquement condamnée pour sa crispation sur un capital réduit à une sphère nationale bien illusoire à l’heure de la mondialisation, ils ont l’un et l’autre pour seul programme toujours plus de croissance au profit de qui détient les moyens de production. Renier ses convictions pour appeler à choisir un camp du capital contre l’autre serait donc non seulement aberrant, mais reviendrait à se tirer une nouvelle balle dans le pied. Pour notre part, nous n’appellerons pas plus à voter pour ou contre Machine ou Truc qu’à sauver l’ordre établi. Nous continuerons plutôt de mettre notre énergie et nos moyens en œuvre pour politiser les révoltes et démystifier les peurs fantasmatiques qui aliènent toujours plus les exploité-e-s et les dominé-e-s de cette planète – avec comme horizon la révolution sociale.

OCL 

1. Cf. l’appel unitaire à manifester le 16 avril lancé par la LDH qui se conclut par : « Contre l’extrême droite et ses idées, pas de Marine Le Pen à l’Elysée ».

2. Nantes révoltée « sort la sulfateuse » et accuse quiconque n’a pas voté Mélenchon au premier tour, ou n’a pas pris d’assaut les préfectures le 10 au soir, de faire le jeu du RN. Misère de l’antifascisme qui réhabilite Bordiga !

« Faire barrage » au second tour, qu’est-ce que ça veut dire aujourd’hui ?

Le « vote barrage » n’est pas une nouveauté, il n’est même pas la propriété de la gauche face à l’Extrême-droite, c’est un principe qui a souvent été utilisé pour empêcher l’élection de candidats « dérangeants » : l’extrême-droite en a souvent usé pour tenter de faire battre des candidats communistes – voir de gauche en général – , la droite également qui a parfois appelé à voter socialiste contre des communistes etc etc

Mais la première fois que cela s’est produit de façon massive il s’est agit de la présidentielle de 2002 qui opposa Chirac à un Le Pen arrivé au second tour à la surprise quasi générale.

Face à cette intrusion brutale dans la vie démocratique française, un large mouvement de rejet s’est alors fait jour, entrainant des manifestations géantes et une mobilisation des démocrates et des anti-fascistes de tous poils en direction des urnes. Avec un résultat sans appel, les électeurs écrasant le père facho par un score digne d’une république bananière : 82% contre 18%.

Une défaite, une humiliation que les militants FN ne digéreront jamais, mais qui au final ne leur a pas coupé la route vers le pouvoir.
Ralentis, oui, éliminés, non.

Ce cas de figure s’est alors répété maints et maintes fois, au niveau local, départemental, régional et national, avec en prime un autre second tour pour l’exd, face à un candidat confusionniste, Macron, sensé être « ni gauche ni droite », pour un résultat nettement moins flagrant : 64% contre 36%.
Historiquement, le vote barrage existe depuis les débuts de la démocratie, que ce soit au Sénat romain ou au Vatican par exemple, pour bloquer l’élection d’un candidat contraire aux intérêts d’autres personnes.
Cela fait donc 20 ans que la pratique du « barrage » systématique face à l’extrême-droite est pratiquée en France et, force est de constater que le résultat est loin d’être satisfaisant.

On assiste aujourd’hui de nouveau à un second tour avec l’extrême-droite, dans une campagne où se sont même deux candidat.e.s d’extrême-droite qui au départ pouvaient potentiellement espérer y être présent.e.s.

Cette stratégie n’a donc pas transformé le paysage politique, faire barrage n’a pas fait disparaître l’extrême-droite, loin de là.
Pire, elle n’a pas non plus empêché la propagation des idées d’extrême-droite, participant plus à l’imprégnation de ces idées dans la classe politique « républicaine », y compris à gauche, qu’à son recul. On peut dire qu’il s’est mis en place une forme de barrage « électoraliste » qui consiste juste à capter les votes d’extrême-droite en récupérant le discours, voir le programme, des candidat.e.s d’extrême-droite. Il veulent seulement empêcher l’élection d’un autre candidat, quitte à prendre sa place d’un point de vue idéologique.

Macron avait besoin d’un ou d’une candidate d’extrême-droite pour sa réélection, il est comblé, reste à décider si nous allons participer ou pas à sa stratégie cette fois-ci…

 

 

Article Collectif
Atelier de Réflexion-Débats du Laboratoire anarchiste de Valence.